crédit photos Alexandre Schlub

Silures. MC 93 Bobigny, 2006.                                 

Mise en scène Jean-Yves Ruf Scénographie et Costumes Laure Pichat Lumières Christian Dubet Son Jean-Damien Ratel Vidéo S. Louis

Silures est un spectacle écrit par le metteur en scène au fil des répétitions. Les improvisations avaient en trame de fond un poème Le dit du vieux marin de Samuel Taylor Coleridge. Ce poème nous fait traverser des mers putrides peuplées de monstres gluants, des mers de lait, de glace, où l’on croise une femme aux cheveux bouclés, jaunes comme l’or, la Mort. Il ne s’agissait pas de décrire le monde des marins, mais de peindre les remuements de l’âme en prise avec le destin, avec la mort. Des résonances entre l’équipage du bateau et les « piliers de bar » se sont faites : « Je vois les marins désoeuvrés et la Mort qui nous accueille dans son giron, nous écoute en souriant, et remplit nos verres, régulièrement. Oui, c’est dans les bars que je croise le plus souvent les vrais monstres décrits par Coleridge, les enlisements, les hébétudes, le sang qui se fige lentement, la sensation d’être irrémédiablement ralenti, de ne plus avoir assez de force pour suivre les gens dehors, ceux qui se pressent dans la rue. Chacun reste là, faussement protégé, et la femme au léger sourire adresse un gentil mot en servant délicatement un autre verre. Silures, c’est un bar qu’on ne quitte pas. Il n’y a pas de petit dernier pour la route. Il n’y a plus de route, ou elle est oubliée. On y passe d’une sensation de froid extrême à une chaleur étouffante. La météo intérieure est déréglée. » J-Y Ruf. L’espace de Silures est un espace hybride. Un espace qui oscille entre le bar et le lieu industriel. Un bar improvisé dans une salle des machines, dans une pisciculture ou dans un laboratoire où l’on procède à des prélèvements dans les cuves, une distillerie…. L’espace est formé d’un alignement de plusieurs cuves remplies d’eau. Des passerelles techniques enjambent les cuves de ce lieu et deviennent des comptoirs de bar, des promontoires, des plongeoirs pour les comédiens. Les cuves remplissent l’espace mais crées un vide. Dans une vision d’ensemble l’oeil ne lit plus qu’une surface d’eau, chaque fragment de mer crée une immensité. Les comédiens semblent perdus dans cette immensité d’eau. Dans les circulations entre les cuves les comédiens se déplacent. Ils sont comme emprisonnés dans la mer. Nous sommes dans des basfonds proche de monstres, de présence marine où les couleurs dominantes sont terreuses. Des systèmes de machinerie donnent l’illusions de présence de monstres dans les cuves en créant des remugles dans l’eau. L’eau est tantôt vivante et ondule comme la mer, puis devient calme et morte, l’eau ne bouge plus. Ces cuves s’alignent comme des pierres tombales dans un cimetière, comme des embarcations. L’espace conjugue l’ambiance de bar où des individus se retrouvent, à huis clos comme les marins sur un bateau dans leur carré. Ils naviguent ensemble.